Coffre
Note d’intention Je me suis demandé ce que je désirais profondément pour l’enfance aujourd’hui. Dans les années 80’s, à l’époque de mes vingt ans, l’homosexualité était quasiment incompatible avec la perspective d’avoir un enfant. Je ne me le suis en tout cas pas autorisé. Mais tout au long de ma carrière j’ai préservé des temps et des espaces pour travailler en direction de l’enfance. À la fois pour me réconcilier avec la mienne et pour transmettre avec humour et poésie le désir d’apprivoiser et de dépasser ses peurs. Depuis 2012 j’ai réalisé le triptyque j’ai peur mais j’avance, composé des trois spectacles, Mooooooooonstres, à2pas2laporte et ici ou (pas) là. Dix ans plus tard, j’ai eu la chance de les jouer plus de mille fois en France et à l’étranger. L’aventure a dépassé mes espérances et je crois qu’elle aura permis à des enfants de comprendre et de dépasser certaines de leurs peurs. Aujourd’hui et peut être comme un point final à ce triptyque, une quatrième partie de triptyque… je souhaite revenir à la petite enfance pour évoquer cette paternité de théâtre, ce désir d’accompagner un enfant-marionnette avec la perspective de le voir s’émanciper, créer ses propres espaces imaginaires au cours d’un voyage au cœur de coffres à jouets. Je souhaite évoquer ces premiers enthousiasmes de l’imaginaire de l’enfant… et réveiller chez l’adulte qui l’accompagne la mémoire de cet enthousiasme.
Ma réponse est très naïve, et l’image associée très simple :
Un enfant tranquillisé avec un livre ouvert, au pied d’un arbre qui pousse.
En réponse au flux d’images violentes, aux sur sollicitations et au cynisme, j’assume cette naïveté et cette volonté d’un low-tech. COFFRE est un spectacle pensé comme un imagier jubilatoire et contemplatif pour répondre, de manière décroissante, avec des coffres en cartons et des matériaux recyclables ou recyclés, à un désir de douceur et d’émerveillement… et qui se termine avec un vrai arbre à planter.
La découverte de l’album jeunesse Papa de Nicolas Mathieu (prix Goncourt pour Leurs enfants après eux) a été l’un des éléments déclencheur de ce projet. Le second a été une citation de Baudelaire : « Cette facilité à contenter son imagination témoigne de la spiritualité de l’enfance dans ses conceptions artistiques. Le joujou est la première initiation de l’enfant à l’art, ou plutôt c’en est pour lui la première réalisation, et, l’âge mûr venu, les réalisations perfectionnées ne donneront pas à son esprit les mêmes chaleurs, ni mêmes enthousiasmes, ni la même croyance. »
COFFRE
Un amoncellement de coffres à jouets se met en mouvement. Ils sont animés par une vie intérieure ou manipulés par une marionnette-enfant. Derrière cette marionnette apparaissent deux mains. Elles manipulent aussi bien la marionnette que les coffres qui l’entourent. Elles deviennent des personnages autonomes et des partenaires pour l’enfant.
Ce monde en équilibre précaire se déplace de glissements en accidents, se construit et se déconstruit au gré de volontés parfois contradictoires. Qu’y a-t-il dans ces coffres ? L’espoir de l’émerveillement ? La promesse du jeu ? Des mondes en miniature ? Le mystère ? La possibilité de disparaitre ? Les secrets les mieux gardés ? L’oubli ? Le mode d’emploi pour ranger ses jouets ?
Se compose devant nos yeux un paysage polymorphe qui révèle, absorbe, masque, recrache trésors et déchets. Alors que l’enfant voit disparaitre sous ses yeux son doudou préféré et entreprend de partir à sa recherche, un coffre corps se dessine sous forme d’imagier, reflet du monde qui l’entoure.
Quand ces coffres finissent par construire un mur, il devient l’une des six faces d’un coffre plus grand encore. Un guide apparait alors et nous invite à entrer dans le ventre de ce coffre pour y découvrir ensemble un musée éphémère : L’espace et le temps d’une enfance fugitive.